Chroniques du Forum Social Mondial (FSM) - Salvador de Bahia- Brésil du 13 au 17 Mars 2018

Abderrahmane MOULINE

Le mardi matin 05 mars 2018, dans un café pas loin de chez moi, assis sur une table qui donne sur une petite ruelle, entrain d’écrire un papier, j’ai reçu un mail de confirmation de ma participation au sein de la délégation du Centre d’Études et de Recherches en Sciences Sociales (CERSS) et du Forum Civil Démocratique Marocain (FCDM) au 13ème édition du FSM, tenue du 13 au 18 mars 2018 à Salvador de Bahia (Brésil) avec le mot d’ordre : « Résister, c’est Créer ; Résister, c’est Transformer ». Il s’agit de ma première participation au dit Forum, et ma deuxième participation à un forum mondial après celle au Forum Mondial des Droits de l’Homme (FMDH) tenu à Marrakech au cours du mois de novembre 2014. Certes j’ai aussi participé en tant que chercheur au CERSS et membre du FCDM à la COP 22 organisée également à Marrakech au courant du mois de novembre 2016, mais il semble que ce n’est pas la même ambiance, la même âme, le même sens qui prévalent.
Ensuite, et comme il est coutume au CERSS et au FCDM, notamment dans nos activités scientifiques ou associatives ( séminaires, ateliers, sortie de terrain, études, journées de l’Université de Développement Social ‘’l’UDS’’ …..), de choisir dans une réelle liberté et autonomie les sujets à investir, j’ai commencé à réfléchir sur la nature de ma participation, de mon éventuel apport à ce forum et de ce que je pourrai en tirer en tant que chercheur en sciences sociales et en tant qu’ acteur associatif. J’ai été rapidement inspiré, après un petit moment d’introspection, par un papier posé sur la table où j’écrivais quelque chose sur la question de la formation des cadres syndicaux. Du coup, j’ai eu l’idée, qu’en plus bien évidemment de mon implication avec mes camarades du CERSS et du FCDM à l’organisation de nos deux ateliers et notre AGORA prévus dans le forum, de faire des syndicats des travailleurs mon thème de prospection et de recherche dans le cadre de ma participation au FSM.
Depuis mon arrivée à Salvador de Bahia lundi 12 mars 2018 vers 4h du matin heure locale, et tout au long de mon séjour, je n’ai éprouvé aucun dépaysement au point de me sentir chez moi. C’est peut être l’effet de notre appartenance commune au « Tiers Monde » doublé du partage des mêmes origines africaines. En effet, ce qui frappe de prime abord, en plus des magnifiques plages du littoral de cette ancienne capitale du Brésil (de 1549 à 1763), c’est la gentillesse et l'accueil chaleureux de ses habitants ainsi que leur esprit convivial, creuset d'une culture toute droite venue du continent africain...
Par ailleurs, si quelques marques d’industrialisation, de modernisation et d’urbanisation sont visibles au Salvador de Bahia, il n’est pas besoin d’être un observateur chevronné ou un économiste confirmé pour constater la floraison d’une économie informelle manifeste. Aussi, à partir des regards des gens de cette ville, je voyais bien que le gain de vie semble laborieux et pénible.
La journée du lundi 12 et la matinée du mardi 13 mars 2018, étaient consacrées au repérage et à la découverte des lieux de déroulement des activités du forum notamment l’Université Fédérale de Salvador de Bahia, l’accomplissement en collaboration avec mes camarades du CERSS et du FCDM des formalités d’inscription, de la logistique relative à la tenue de nos ateliers et notre AGORA et d’une tournée d’observation (stands, salles et chapiteaux où se déploient les activités, …) avec la collecte des dépliants et des livrets des différents participants. D’autre part, dans l’après midi du mardi 13 mars 2018, j’ai participé à coté des camarades à la marche massive du FSM depuis la place Campo en passant par les rues du centre historique de Bahia.
La journée du jeudi 15 et la matinée du 17 mars 2018, quant à elles, étaient dédiées à l’organisation, la préparation et la participation à nos ateliers et de l’AGORA. De ce fait, les journées du 14, 16 et l’après midi du 17 Mars 2018 étaient consacrées à la prospection des activités des syndicats des travailleurs présents dans le forum et autres.

Journée du mardi 14 mars 2018 : Centrale Unique des Travailleurs – CUT), toujours le grand syndicat du Brésil


Il est trop aisé, lorsqu’on veut chercher une activité d’une centrale syndicale au FSM de Salvador de Bahia de repérer rapidement la CUT. En effet son identité visuelle est apparente, ses affiches, dépliants, tracts et gadgets avec une seule grande consigne d’action : « Pour un travail décent » sont abondants, l’accès à deux grands chapiteaux dans lesquels il organise ses activités au sein de l’université fédérale est fluide. De surcroît, il assure à ses auditeurs des traductions au moins dans les langues anglaise et espagnole.
La Centrale Unique de Travailleurs (CUT) compte aujourd’hui le plus grand nombre d'affiliés , et celui des syndicats (2319 : 21,22%) parmi les treize centrales excitantes, alors que le nombre de syndicats de travailleurs remonte à quelque 9 359 syndicats .

1/ 9h-11 30h : Séminaire sur les impacts du progrès scientifique et technologique et son contrôle sur le capital sur l’avenir du travail- CUT-, 14 mars 2018, Université Fédérale de Salvador de Bahia


Depuis les débuts de la révolution industrielle, le progrès technique a été accusé de détruire des emplois. Constat conforté depuis les années 90 du vingtième siècle et plus encore à partir du début du troisième millénaire ou le phénomène continue de manière croissante. Ses effets sur l'emploi sont ambigus en raison du processus de "destruction créatrice" qu'il entraine.
Le progrès technologique, dans les propos de ce séminaire, a eu pour conséquence un remplacement partiel, de plus en plus important, des ouvriers à la chaîne par des robots, et a défait les grandes bastides ouvrières. La reconfiguration s'est faite à partir d'une organisation en réseau qui mêle quelques centres productifs usés et une toile d'araignée de filiales, de succursales, de représentations commerciales, et d'entreprises sous-traitantes ou co- traitantes ou délocalisées. On est passé, rappelle un intervenant, d'un tissu industriel proprement dit à l'entreprise-réseau. Une question se pose et reste ouverte, notamment au Brésil et dans d’autres pays du tiers monde dits émergents ou non : la société du travail est-elle arrivée à son terme ? La question est posée par nombre d’intervenants à ce séminaire.
En tout cas un changement de paradigmes d’exploitation de travail et de la plus value est manifeste. Ainsi les nouvelles technologies remplacent le fordisme, et la mondialisation se substitue à l’internationalisation.
Le capital en sort de nouveau gagnant. La standardisation des logiciels et des procédures de codification, d'accès et de transmission des données permet la production en grande série de matériels et de logiciels. Le développement d'infrastructures de communication accessibles à bas prix permet une réduction des coûts. De ce fait, on assiste à la réduction du capital employé (stocks, fonds de roulement, équipements), à une meilleure productivité du travail notamment celui appelé soft, à la création de nouveaux services sans emplois, à la facilité de fuites de capitaux et de leur circulation au détriment de la circulation des humains, à la floraison des transactions financières et boursières réelles ou virtuelles etc.…
Par ailleurs, le capital essaie de compenser la masse de travail devenu inutile en la transformant en emplois dits utiles tels que le travail domestique, la garde et autres services pour enfants et personnes âgées, le travail dit social et culturel, etc. Par conséquent le travail n'étant plus au centre du procès de valorisation, il ne peut plus être central au sein de la société capitalisée et ses revendications s'en trouvent délégitimées au regard du nouveau capital.
D’autre part, selon des intervenants, la notion fourre-tout de « précaire » prend une dimension de plus en plus grande, culpabiliser des jeunes ou des moins jeunes sous prétexte de leur non employabilité devient manifeste, armer ou renforcer les capacités des gens au lieu de leur garantir des places est présente dans les discours et pratiques politiques » etc. Les réponses à ces questions dont la revalorisation du travail et l’avenir de ce dernier restent multiples. Il y’a d’abord le rôle de l’Etat pour resocialiser le travail et le revenu qui en découle, et veiller à une redistribution des richesses. Ensuite, devant le constat de la multitude et la diversité des nouvelles formes de travail à savoir le travail salarié à coté du travail indépendant, des chômeurs et anciens travailleurs devenus des micro-entrepreneurs, des nouvelles formes de travail solidaire dans les villes et dans les compagnes, le retour à une agriculture paysanne etc. De récents tracés de travail qui sont en mesure de créer du savoir, de l’information, de la communication, des relations, des émotions – autres que ceux créés par le capital. Le tout fait ressortir la nécessité de réactiver le projet politique de la lutte des classes.

13 h 30- 15 h30 : Lutter ensemble pour la justice fiscale ! Atelier organisé par Attac, 14 mars 2018, Faculté de Pharmacie, Salvador de Bahia


Certes Attac n’est pas un syndicat de travailleurs, mais force est de constater un va et vient entre les deux, attisés vraisemblablement par un rapprochement de plus en plus favorisé.
Trois propos structurent ce workshop ; la définition du concept de justice fiscale, l’échange d’expériences et d’idées venues de différents pays et les réponses de la société civile à ces questions, et ce, en mettant en exergue l’'Alliance mondiale pour la justice fiscale.
L'Alliance mondiale pour la justice fiscale est un mouvement de centaines d’organisations de la société civile et de militants, y compris les syndicats en Amérique latine, Asie-Australie, Amérique du Nord, Afrique et Europe, luttant pour une plus grande transparence, un contrôle démocratique et une redistribution des richesses dans les systèmes fiscaux nationaux et mondiaux. Ces organisations sont réunies car les riches, les banques et les multinationales ont construit un système sophistiqué de centres financiers internationaux secrets (ou paradis fiscaux) soutenus par des armées de comptables, d'avocats et de lobbyistes, afin de payer délibérément de moins en moins d'impôts sur leurs profits et leurs richesses, tout en usant abondamment des infrastructures, des institutions financées par les fonds publics et de la main-d'œuvre bon marché. Cette évasion fiscale systémique (légale et illégale) associée aux paradis fiscaux sont les aspects les plus injustes du système financier mondial, ont souligné des intervenants à cet atelier. Encouragés par le secret bancaire, la complicité des gouvernants, et la pression des multinationales, ces fuites d’impôts innombrables privent les Etats de ressources considérables qui devront être affectées aux programmes de développement et d’intégration sociale et faire face aux changements climatiques.
Chaque année, la fraude et l'évasion fiscale coûtent des milliards de dollars. Les paradis fiscaux – liés à plusieurs pays du monde contribuent à l’inintelligibilité du système fiscal et financier, et à la fuite des capitaux. Ils menacent la stabilité financière et l’économie, ruinent les systèmes fiscaux et les budgets des Etats, et creusent les inégalités dans le monde entier.
Défini dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen comme une “contribution commune qui doit être répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés”, rappelle un participant au séminaire, l’impôt est un des piliers de la démocratie. Or les politiques néolibérales ont discrédité l’impôt en le considérant comme une charge à réduire à tout prix. Ainsi en plus de la perte de son rôle redistributif, il est devenu un facteur d’inégalités entre les contribuables et les territoires. Il est question à vrai dire d’une contre-révolution fiscale introduite au profit des ultra-riches et des multinationales. Les organisations syndicales et citoyennes sont mobilisées pour refonder une fiscalité juste, adaptée aux défis sociaux et écologiques. Seule, l’association Attac ne peut pas lutter contre l’hégémonie de l’évasion et de l’injustice fiscale estime un intervenant vu la puissance financière des multinationales et des entreprises nationales prédatrices. Alors que les États sont incapables de prendre les mesures nécessaires contre les injustices et les scandales fiscaux, une implication de la part des citoyens du monde est essentielle et indispensable à commencer par signer des appels notamment ceux d’Attac.
ATTAC selon quelques intervenants continue de se mobiliser et de lutter contre l’injustice fiscale, malgré la répression que subit ses militantes et ses militants partout où ils s’activent. Et ce, dans le but de changer de fond en comble le système fiscal ; notamment en réclamant entre autres :

 La révélation des pratiques d’évasion fiscale des multinationales en les contraignant à rendre compte de leurs activités partout dans les pays où elles sont présentes ;
 La taxation des transactions financières ;
 L’établissement d’un système d’échange automatique d’informations fiscales entre tous les Etats ;
 Le soutien des pays en développement qui cherchent à mettre en place des systèmes fiscaux plus justes, progressifs, et sans exonérations pour les grandes entreprises multinationales opérant sur leurs territoires ;
 La réforme de l’impôt sur le revenu, la suppression des niches et augmentation de sa progressivité ;
 La décrétion et/ou l’élargissement de l’impôt sur la fortune à l’ensemble des actifs (immobilier, produits financiers etc.) ;
 La réforme de l’impôt sur les sociétés (avec maintien d’un taux réduit pour les micros et petites entreprises (MPE)
 Baisse de la TVA et taxes assimilés et instauration du droit à déduction pour les MPE et professions…
 La réforme de la fiscalité verte,

Il n’en reste pas moins que ces pistes ne devraient pas se limiter à de bonnes intentions ou à un vœu pieux, et exigent selon les participants à cet atelier organisé par Attac de construire un rapport de forces politique, ce qui n’est pas une légère affaire. La justice fiscale est une demande citoyenne et un mouvement mondial.

17 h- 18 h : Droits des migrants et réfugiés- CUT- 14 mars 2018, Université Fédérale de Salvador de Bahia

Les migrations au Brésil s’inscrivent dans une histoire globale au cours de la période contemporaine. De l’esclavage, puis de son abolition en 1888, date à partir de laquelle la migration explose au brésil souligne l’intervenante, ce pays accueille des Européens d’horizons et de nationalités très divers, aussi bien portugais qu’italiens ou encore venus d’Europe centrale et orientale, mais aussi asiatiques et africains. C’est la migration contemporaine qui est problématique et ambigu. Les populations noires, et de toutes couleurs, d’ailleurs sont confrontées à des formes violentes de racisme.
La rencontre entre les habitants du brésil, notamment des métropoles et les réfugiés est aussi violente et a fait renaître des formes de racisme qui viennent directement interroger la population brésilienne actuelle.
Une intervenante a rappelé les droits des migrants partie intégrante des droits de l’Homme, notamment la convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, adoptée par l'Assemblée générale dans sa résolution 45/158 du 18 décembre 1990. Par ailleurs la nouvelle loi sur l'immigration au brésil du 21 novembre 2017 a pour principal objectif, avancent les législateurs, de proposer un cadre plus moderne en facilitant la régularisation des étrangers, qui rencontrent aujourd’hui une bureaucratie étouffante ( l’ancien texte traitait les étrangers comme des menaces) et en garantissant à ceux qui séjournent légalement au Brésil les mêmes droits qu’à un citoyen brésilien (à l'exception de quelques droits politiques, dont notamment le droit de vote). Pour ce qui est du droit d’asile, un étranger peut en demander même s'il est entré au Brésil de façon irrégulière. La demande d'asile peut être faite dans toutes les unités de la police fédérale ou toute ambassade du Brésil à l'étranger. En revanche, elle sera rejetée pour les demandeurs qui ont commis des crimes contre humanité, crimes de guerre ou génocide. Ceci dit, des entités de mouvements politiques comme la droite de São Paulo, prétendent que la loi actuelle affaiblit le contrôle migratoire et la vigilance aux frontières, ouvrant des failles pour trafiquants et terroristes, par exemple.
Au fait, le grand défi est ailleurs a précisé l’intervenante, il résiderait dans la réalité têtue caractérisée par la montée du racisme et la haine de l’étranger au brésil. Reste aussi l’opérationnalisation de la loi et la réparation des dégâts antérieurs. Aussi, les migrants par peur sont réticents au sujet de la participation notamment syndicale. Du coup, ils s’associent difficilement, n’accèdent pas aux services sociaux et sombrent dans le travail informel, clandestin même dans les entreprises modernes. Maintenant, les syndicats et autres organisations et mouvements sociaux de prendre leurs causes à bras le corps.
La CUT a toujours pointé les raisons poussant des populations à choisir la souffrance de l’exil et de la migration telles que la pauvreté, le chômage, l’absence ou la carence de l’éducation et des soins de santé, guerres, changements climatiques, manque ou absence de liberté etc. Elle atteste que « la migration n’est pas un crime, les causes qui la provoquent le sont. ». Aussi, les migrations ne sont pas seulement Nord-Sud. Elle fait de l’immigration une étendue de base de son travail au quotidien et appelle les autres syndicats à le faire. En effet c’est à travers la syndicalisation des migrants qu’il est possible d’assurer la protection et la défense des travailleurs immigrés.

La journée du 16 mars 2018

9h30- 13h : Atelier de l’Union Générale des Travailleurs Brésiliens (GUT)

La GUT est la deuxième grande centrale syndicale au brésil, elle compte aujourd’hui 1 458 320 affiliés (11,38%), et 1227 syndicats . Cet atelier comme beaucoup d’autres a commencé par la musique notamment populaire et le chant. Entamer ou accompagner une activité, séminaire ou rencontre politique, syndicale et associative par la musique populaire (bossa nova, le forró, la samba …..) est un phénomène généralisé au brésil semble-t-il.
a. L’unité, le rapprochement, l’alliance ou du moins la coordination entre les syndicats brésiliens de gauche est plus que jamais vitale en cette période de sape des droits des travailleurs brésiliens (gel des salaires, du SMIG, déclin des services sociaux) réclame un intervenant. La fragmentation du mouvement syndical brésilien ne bénéficie qu’aux néolibéraux, entreprises prédatrices et multinationales. Cependant par la volonté et le dépassement des égoïsmes rien n’empêche l’émergence d’une certaine unité politico-idéologique et d’action avec et entre des syndicats proches de nous. D’autre part, les fédérations brésiliennes sont multiples, les territoires sont différents, ceux riches, ceux paupérisés. Le gouvernement et le secteur privé profite de cette situation pour traiter différemment de la question des droits des travailleurs en fonction de chaque territoire si il ne le fait pas dans les lois, il l’assure dans la réalité. Ceci dit, une vigilance s’impose et la coordination, le maintien de flux d’informations, l’échange d’expériences et de formes de lutte et de combat (grèves, manifestations, conventions collectives etc.) entre les syndicats locaux, sectoriels et professionnels sont indispensables pour arracher les droits.
b. Dans un deuxième propos économique en liaison avec le travail, l’intervenant a parlé du Brésil en tant que pays « émergent » dit-on, et rappelé des chiffres de croissance du PIB du pays, et l’occupation du brésil du rang de 8éme voir 6éme puissance économique mondiale. Néanmoins on ne peut parler d’émergence si la croissance ne profite qu’à une minorité. La condition nécessaire d’émergence est la cohésion sociale qui implique une diffusion de la croissance dans le corps social conduisant ainsi à un développement soutenu. Cette cohésion sociale se traduit par la moyennisation de la société, par les politiques distributives et par l’inclusion urbaine. Néanmoins depuis quelques années, on assiste à un déclassement de la classe moyenne notamment celle issue des travailleurs. Le brésil demeure encore un pays comptant de millions de pauvres et d’exclus et où les distances sociales se creusent davantage. Les villes connaissent à la fois une verticalisation et une favelisation dans des petits espaces (habitat informel, clandestin, auto-construit, insalubre, précaire que ce soit légal ou illégal). Ainsi une gentrification et une périphérisation vont de pair. Les droits sont par définition arrachables, et c’est aux forces sociales du brésil et des syndicats locaux, sectoriels, et centraux dont la GUT est incontournable de lutter plus que jamais pour les droits des travailleurs et des exclus du système prédateur actuel.
c. Dans cet atelier, un intervenant tout en qualifiant de fabriqué et injuste le procès de l’ancien président Lula a réitéré vivement son soutien et le soutien de la GUT à Lula et s’est indigné de l’intensification de sa persécution suite à sa condamnation à la prison. Ce que nous voyons avec l’actuel gouvernement du Brésil, rajoute-t-il, c’est une destruction progressive des droits des travailleurs. Il faut impérativement montrer la solidarité et le soutien de tous à Lula et à sa réélection à la présidence du pays. Ceci surtout qu’au cours de ses mandats et malgré quelques difficultés et carences, le Brésil faisait de réels progrès, créant de bons emplois, bâtissant une économie puissante et durable. On considère ce qui s’est passé dans le pays constitue un coup d’Etat perpétré par la droite et qu’il menace de tout détricoter. Ainsi, un appel est lancé pour se prévaloir des espaces démocratiques qui restent ouverts, et se battre pour préserver les droits des travailleurs et envoûter davantage, et affirmer qu’un autre monde est possible grâce à la résistance.

L’après midi du 17 Mars 2018 ; la réunion du conseil international du FSM


Malheureusement, sous la pression de membres marocains du secrétariat du Forum, j’étais contraint de quitter la réunion du conseil international du FSM organisée le samedi 17 Mars 2018 à partir de 14 h 30, heure locale, car je n’en suis pas membre. C’est une exclusion logique semble t-il et largement compréhensible. J’aurais souhaité y assister, du moins en tant qu’observateur, cependant le conseil international du FSM, n’a pas prévu de places pour les observateurs cette année.
En tout cas, dans les 15 minutes où j’ai pu arracher ma présence dans cette réunion, j’ai écouté attentivement l’intervention du recteur de l’université fédérale de Salvador de Bahia dans laquelle un seul mot d’ordre dominait à savoir : « l’université comme espace de résistance, de création et de transformation ».
Selon un premier bilan établi par le Collectif bahianais en charge de l’organisation, l’évènement a rassemblé 80 000 personnes issues de 120 pays. Le programme du FSM 2018 englobait près de 2100 activités ordonnées en 19 axes thématiques. Plusieurs assemblées de convergence ont été accomplies dans les derniers jours du Forum (Assemblée mondiale des femmes, Assemblée des peuples, mouvements et territoires en résistance, une Agora des futurs comprenant plus d’une soixantaine d’initiatives d’actions débattues durant le FSM). Pour certains, ce FSM était principalement brésilien et la participation fut très locale, à 90% brésilienne. Le forum aurait été donc marqué par les problèmes internes du brésil, pays fondateur des FSM (destitution en 2016 de Dilma Rousseff présidente du brésil, condamnation à la prison de Lula l’ancien président du brésil, assassinat le 14 mars 2018 de la conseillère municipale de Rio Marielle Franco militante antiraciste, membre du Parti socialisme et liberté..).
Si l’on s’admet à révérer la permanence du processus et l’investissement émérite des équipes brésiliennes, l’utilité et la vitalité du processus des FSM et des liens crées entre les organisations et les participant(e)s d’un évènement à l’autre ; le développement des FSM et son avenir semblent contrariés. On considère que autre la faiblesse numérique des délégations occidentales présentes à Salvador de Bahia et l’essoufflement vraisemblable de la bataille idéologique et du mouvement altermondialiste notamment européen, les parties prenantes et les mouvements pionniers et défenseurs du FSM sont dans un état de confusion et de flou idéologique et politique.
A cette étape, si le futur du mouvement serait le résultat des choix, des décisions objectives, des initiatives prises tels que l’élargissement du Conseil aux organisateurs des forums thématiques et régionaux ; lancement de nombreux événements mondiaux : le Forum Social mondial contre l’extractivisme en Afrique du Sud, en août 2018 ; le Forum Social Mondial des Migrations, à Mexico en novembre 2018, les actions contre le G20, à Buenos Aires en décembre 2018 ; le FSM sur les économies alternatives à Barcelone, en avril 2019 ; le Forum sur la Santé et la Sécurité sociale, à Bogota, en juin 2019 ; le Forum social Panamazonien, en Colombie en octobre 2019 et autres ; l’avenir est tout autre, il est un espace de libertés et appartient au domaine de l’organisation et au champ de la volonté et cheminerait vers l’expérimentation, et ce loin des fatalités, tout en restant attentif aux flux et reflux de l’histoire pour ne pas se condamner à la marginalisation et au piétinement.